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Sylvain Gillier  nous présente son histoire et son expérience avec les cultures racines.

Sylvain Gillier  nous présente son histoire et son expérience avec la culture Navajo lors d'une interview réalisée en 2019 pour le Salon Cheval Bien Être de Paris:

"Quelques mots sur mon histoire, parce que cette histoire est liée aux projets Native Horse.  Je suis enraciné dans la tradition spirituelle de l'Europe et  de formation médecine anthroposophique, la médecine de Rudolf Steiner. j'ai la chance d'être directement impliqué dans les cercles d'initiation de la tradition européenne...et donc, je ne recherche pas l'initiation " chez les Indiens", ni d'ailleurs à pratiquer les médecines amérindiennes, même si je ne doute absolument pas de leur efficacité. Je suis médecin de formation et je pratique la médiation avec le cheval depuis des années. Lors d'une formation sur l'équithérapie en Arizona, je me suis retrouvé à animer des ateliers de guérison par le cheval dans la nation Navajo. J'ai été littéralement catapulté dans cette culture amérindienne que je ne connaissais pas du tout.  En fait, nous nous sommes plutôt bien entendus avec les Apache et Navajo que j'ai rencontré, et j'ai commencé à donner des séances de reconnexion au cheval avec eux, et à rencontrer de très nombreuses personnes de cultures Navajo, Hopie et Apache, tous plus fascinants les uns que les autres. 


Après plusieurs séjours en immersion dans les réserves, et des contacts avec des praticiens traditionnels Navajo, et faisant partie de l'église amérindienne entre autres, j'ai eu une série d'intuitions autour de symboles qui me semblaient faire partie de la culture des Navajo. J'ai tout de suite pris conscience du danger qu'il y a à parler de cela, parce que aujourd'hui, les Navajos sont très susceptibles pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l'appropriation culturelle, et extrêmement protecteurs de leur propre culture. Franchement, on ne peut pas leur en tenir rigueur.

Je ne voulais pas me faire valoir en parlant d'une culture qui n'est pas la mienne, divulguer des cérémonies , et encore moins passer pour un  grand "chamane" initié par les Indiens. Comme j'ai un esprit scientifique, j'ai donc effectué de nombreuses  recherches bibliographiques pour mieux connaître la réalité de ces cultures. J'ai suivi un diplôme universitaire d'ethnopsychiatrie à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, pour mieux comprendre la cosmologie des peuples traditionnels, leur conception de l'espace et du temps. J'ai aussi fait des recherches dans plusieurs archives de l'Université de l'Arizona, à Tucson, Phoenix et Flagstaff.  Sans rentrer dans les détails, disons que j'ai trouvé la confirmation et aussi l'explication de plusieurs de mes intuitions.  Peut-être faut-il le dire, mon expérience n'a pas grand-chose en commun avec l'enseignement des 13 grand-mères, la voie rouge sacrée, les enseignements de la roue de médecine, les animaux-totem ou le chamanisme toltèque. Bien sûr cela n'enlève rien à la valeur de ces enseignements, mais quand on est sur le terrain, qu'on vit en immersion dans les réserves Navajo et Apache comme je l'ai fait, ce n'est tout simplement pas ce que l'on rencontre. 

Il faut dire peut-être, que dans les années 1930, les Navajo pensaient que toute leur culture allait disparaître, avalée par la colonisation des blancs.  Pour eux, la transmission du savoir est fondamentale. Et donc, de manière pragmatique,  ils ont transmis la plupart de leurs histoires, de leurs peintures de sable et de leurs cérémonies à des anthropologues blancs. C'est leur héritage spirituel, et il se trouve dans les livres des blancs. Je crois que certains de ces anthropologues ont compris de quoi il s'agit, par exemple John Farella, un anthropologue qui est lui même devenu un praticien Navajo, avec son livre sur la philosophie des Navajo, The Main Stalk", ou bien  James McNELEY, lui - même marié à une femme Navajo, avec son livre sur le souffle sacré des Navajos, " HOLY WIND". .  Les Navajos continuent à transmettre et à enseigner leur philosophie, mais depuis une quinzaine d'année,  ils sont devenus très sélectifs et très "touchy" pour toute tentative d'appropriation de leurs savoirs.

Les Navajos disaient dans une ancienne prophétie que l'enseignement sacré serait retrouvé dans les livres des blancs. J'ai l'impression que cette prophétie s'est réalisée. Peut-être faut-il préciser que ce n'est pas dans les livres Nouvel âge que l'on va trouver l' héritage spirituel des Apaches ou des Navajo. Pourquoi ? Et bien parce que ces livres sont souvent des témoignages de deuxième ou troisième main, ou alors écrits par des personnes  qui veulent vendre leurs cérémonies et faire leur publicité.

Par exemple, le medicine man Navajo Jones Benally me mettait en garde contre les rituels créés par  Sun Bear, dans les années 90. Sun Bear a créé beaucoup de confusion en "enseignant" des pseudo-cérémonies à Sedona. C'est un peu triste, parce qu'au départ il voulait sincèrement partager les savoirs traditionnels amérindiens avec les Blancs. Mais ses enseignements ont été complètement détournés.

En fait,  c'est plutôt dans les retranscriptions ethnographiques  des années 20 et des années 30 que l'on retrouve l'enseignement authentique des Navajos. Ce sont des livres qui ne sont pas du tout d'accès facile, stockés dans des archives, destinés à des chercheurs et des universitaires, souvent écrits en langue Navajo en partie. Franchement on ne peut pas les comprendre si on ne connaît pas la réalité de ce que sont les Navajo aujourd'hui. Cela fait que, pour pleinement comprendre de quoi il s'agit, et sans trop se prendre la tête,  il faut avoir été  sur place et être immergé dans la culture.

C'est pour cela que je crée ces possibilités de partage. Pour s’immerger et faire soi-même l'expérience. Rien ne peut remplacer l'expérience directe. Et il y a un énorme choc des cultures. Il y a aussi le problème de l'appropriation, et en fait une grande partie de ce que nous connaissons sur les Indiens, en France, c'est des fragments de cérémonies ou de chants sacrés qui ont été empruntées, pour ne pas utiliser le mot "volées", à la tradition des Lakota ou des Ojibwe. Chaque nation amérindienne à sa propre histoire, sa propre langue, ses propres cérémonies. Beaucoup de ces histoires sont privées, et on ne peut pas vraiment les comprendre si on ne connaît pas le contexte, pas plus qu'on ne peut pas comprendre ce qui se passe dans un petit village du Morvan si on ne connaît pas les habitants et leurs histoires.

Enfin bref, toujours est-il que j'ai validé beaucoup de mes visions et intuitions avec des personnes médecine vivant aujourd'hui, autour des traditions du cheval, chez les Apaches et chez les Navajo.

Parmi ces personnes, il y a Sam Begay ( dont le témoignage a été transmis à une des ethnologues qui à mon avis  a le mieux compris les Navajo,  Marie-Claude Feltes-Strigler  , que j'ai rencontré pour la première fois avec la  famille Benally de Pinon) -  et aussi l'épouse de Sam, Eileen Begay, diagnosticienne Navajo, que je rencontre chaque fois que possible, le Hataali Buck Navaho, aujourd'hui presque centenaire, ou encore Ty Jones, Jay Begay, Paul Tohlakai, Ron Jackson, Louis et Sy Johnson de la Nation Tohono O'odham, et bien d'autres qui préfèrent rester anonymes. Le premier livre à lire ? Celui de Marie-Claude, Moi, Sam Begay, Homme-médecine Navajo. Je connais la famille Begay. Le livre est un reflet fidèle  de la sagesse, de la gentillesse incroyable , de l'humour et de l'humilité de Sam.

Je crois vraiment que les enseignements traditionnels sont absolument nécessaires aujourd'hui, parce que le monde est en pleine transition, il vacille sur ses bases, l'économie est en train de s'effondrer, et nous devrons tous à un moment ou à un autre retrouver les pouvoirs originels des peuples nomades, des peuples racines, la connexion avec la nature et avec les animaux. "

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