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Des besoins différents et des attentes différentes ?


Dans les cultures chamaniques, nous jetons un regard direct dans un passé lointain, peut-être datant de 10000 ou 15000 ans, une fenêtre ouverte sur une "tradition immémoriale", sur un monde magique extérieur mais aussi intérieur, un univers où forces invisibles, sorcellerie et liens invisibles sont plus réels que notre 'réalité'. Face à ce monde de magie noire extrêmement présent encore au 21e siècle par exemple sur la Nation Navajo, bien des Occidentaux se croient prémunis du fait « qu’ils n’y croient pas ». Et en même temps, que penseraient ils si un Indien leur disait qu'ils ne courent aucun risque en marchant sur une voie ferrée parce qu'il suffit de ne pas croire en l'existence des trains ?

La transe chamanique, la double vue, le voyage chamanique ou l'utilisation de plantes magiques sont pour les peuples premiers des moyens pour s'élever au-dessus de la condition malheureuse et précaire d'être un humain qui vit dans une nature beaucoup plus puissante et plus forte que lui. C'est une tentative de s'allier les amitiés des forces aveugles de la nature, et ainsi de protéger sa famille, sa tribu, et soi-même. Ces pratiques se sont transformées avec la colonisation et le génocide Indien qui l'a accompagnée. A présent, les cérémonies amérindiennes servent, pour certaines, à réaffirmer l'identité autochtone face à l'oppresseur occidental. C'est tout à fait le cas de la Native American Church, dont le sacrement est le cactus Peyotl, une plante sacrée "donnée aux Indiens pour leur libération". Il est assez compréhensible que les occidentaux n'y soient pas particulièrement les bienvenus...

Les attentes des Occidentaux et des Autochtones sont donc bien différentes :

- Du côté occidental, un mouvement de reconnexion à la terre et à la nature vivante, et

- Du côté autochtone, un mouvement de libération pour se défaire de l'emprise de forces noires, maléfiques, de privation de liberté, d'exploitation et de colonisation.

Il me semble que ce point de vue psychologique du chamanisme amérindien est vraiment à prendre en compte. Il y a un livre excellent sur ce sujet de la décolonisation et ses aspects psychologiques, écrit par Eduardo et Bonnie Duran, un couple de psychiatres d'origine amérindienne[1].

Le premier moteur psychologique pour les Amérindiens, c'est le traumatisme de la colonisation. Il y a une recherche identitaire extrêmement forte, beaucoup plus forte en réalité que le désir de reconnexion à la nature de l'occidental. Dans ce cadre, et en s'appuyant sur cette justification, chamans et praticiens traditionnels ont développé, et surtout depuis un siècle, des techniques sophistiquées de maîtrise des énergies – processus de matérialisation-dématérialisation, de maîtrise et de contrôle de la vie émotionnelle d'autres personnes, d’induction de pensées ou de croyances par les rêves, etc. Ces savoir-faire sont tout à fait étrangers à notre éducation occidentale. Ils intègrent l’espace inconscient de notre psyché. La manipulation est d’autant plus efficace sur nous, occidentaux, que nous en ignorons l’existence ou que nous n'y croyons pas. Ainsi, il existe un art chamanique de la séduction extrêmement développé, parfois à visée sexuelle, comme l'a démontré la chercheuse américano-brésilienne Beatrice Labate , fondatrice de l'institut Chacruna. Ces manipulations magiques touchent à leur insu beaucoup de « touristes chamaniques » de l'ayahuasca ou du peyotl. Le film Midsommar reflète tout à fait ce quiproquo et combien il peut devenir tragique. Carlos Castaneda, avec sa série de livres sur les enseignements supposés d'un sorcier Yaqui, en est aussi un exemple éminent :

[1] Native American Postcolonial Psychology By Eduardo Duran & Bonnie Duran: Postcolonial Studies Series: SUNY series in Transpersonal and Humanistic Psychology ISBN 9780791423547, 246 pages, March 1995

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